Les Rites et les Rituels
Qu’est-ce qu’un rite ? dit le petit prince.
C’est quelque chose de trop oublié, dit le renard.
C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours,
Une heure, des autres heures.
Antoine de Saint-Exupéry, le Petit Prince
Qu’est-ce qu’un rite ?
Un rite a pour fonction de réunir les membres d’une même communauté. Il relie, il cimente. Il comporte un caractère sacré.
Un rite est un moment spécial, qui comporte des repères préétablis, et qui est destiné à mobiliser émotionnellement les personnes qui y participent.
Les symboles tiennent de ce fait une fonction essentielle dans le rite. Ils sont le langage du subconscient.
Tout rite est une métaphore et s’adresse à l’âme.
On peut dire qu’un rite est une mise en scène, une théâtralisation d’une situation ou d’une étape de transition, pour ne pas dire une dramatisation dans certains cas (scarification, circoncision, excision, chasse, épreuves dangereuses, ingestion de produits hallucinogènes ou d'alcool et autres bizutages...).
Qui dit mise en scène dit déroulement très codifié, répétitif d’une fois sur l’autre.
La prévisibilité du rite est une condition absolument nécessaire, favorisant le lâcher-prise et l’ouverture sur une dimension plus grande qui permet aux participants, selon le but du rite, d’accéder à un champ d’informations qui leur apporte des réponses, donne du sens à leur vie, les rassure, etc…
La musique, le chant et la danse y tiennent la plupart du temps une place extrêmement importante. Si ce sont les ingrédients de base, c’est parce que un rite est souvent une célébration, un moment de joie (en tout cas, tout rituel comporte de préférence une fin heureuse).
Rites divers et variés
Il existe plusieurs catégories de rites, que j’ai classifiées ainsi :
. Les rites liés à la Nature et à ses Cycles ou rites périodiques (Solstices, Equinoxes, fête du printemps, des moissons, des vendanges,…)
. Les rites liés à la Spiritualité (Toussaint, Noël, Pâques, messes et cercles de guérison, etc…)
. Les rites de Passage (baptême, communion, enterrementou crémation, Quête de Vision …)
. Les rites liés à une Communauté, dont les rites familiaux (mariages, rites de demande, fête des morts …)
. Les Rites individuels ou « actes magiques » (repas, maquillage, coucher…).
A la faveur d’un rite, on demande, on confirme, on remercie…
La fonction du beau
Pour imprégner totalement les personnes qui y assistent, certains rituels répondent à toute une mise en scène et à un décorum, qui les rendent particulièrement esthétiques et inoubliables. Cette beauté touche les êtres au plus profond de leur âme, actionnant tout un tas de ressentis puissants et d’émotions favorables, qui fait que le rituel est vécu comme un moment unique, hors du temps, à part, et dont on se souvient toute sa vie !
Partout dans le Monde, en France y compris, c’est le cas des mariages ou des baptêmes.
La Beauté y a pour fonction de symboliser l’Amour !
Lorsqu’elle est ritualisée (et elle l’est toujours lors de ces cérémonies, même si ce n’est pas spécifiquement intentionnel ou conscient), elle laisse une trace indélébile ; lors d’un mariage, par exemple, l’attention est portée sur l’esthétisme : thématique choisie, harmonie des couleurs, originalité des faire-part, beauté du lieu, cuisine raffinée, décoration minutieuse, objets et matériel méticuleusement choisis en fonction de critères esthétiques, location d’un véhicule remarquable, sans parler de la robe de la mariée, du costume du marié, et des invités « sur leur 31 ».
Tout est fait pour que le mariage soit une journée unique, dont chacun se souviendra. Le rite de mariage est à jamais un ancrage, il rappelle pour toujours la célébration de l’amour entre deux personnes, et scelle leur engagement dans cette union, vis-à-vis de soi, de l’autre, et dans une plus large mesure vis-à-vis de la communauté et de la société entière.
Un ciment universel
Holi est aussi la parfaite démonstration d’une autre fonction essentielle du rite qui est de dissoudre les barrières sociales en rassemblant hommes, femmes, parfois enfants, jeunes et vieux, malades et bien-portants, pauvres et riches, etc.
Recouverts ainsi de toutes les couleurs, tous deviennent semblables et aucune distinction n’est plus possible.
La fonction d’unification du rite concerne le corps social en entier, qui peut s’enraciner et trouver une stabilité à travers les pratiques rituelles.
Souvent, dans un écosystème spirituel par exemple, un code vestimentaire est mis en place. Lorsque chacun est habillé de la même manière, les différences se dissolvent.
Les rituels abolissent les cloisonnements, séparations et autres ségrégations, puisque tous les participants y sont semblables et égaux.
Mais le rite unifie aussi l’individu en lui permettant de se relier à la dimension sacrée, spirituelle de la vie, et en lui donnant les ressources pour mieux vivre en ce monde et s’y intégrer, trouver son identité profonde, sa fonction et s’épanouir.
Une société matérialiste telle que la nôtre, qui privilégie la croissance économique et démographique, au développement personnel et à l’évolution spirituelle, qui favorise la rentabilité plutôt que le bien-être, créé un contexte favorable à l’anxiété, dans lequel le stress et les dépressions trouvent un milieu optimal pour apparaître et se développer.
Dans une telle société, les plus sensibles se sentent perdus.
Appartenir à une communauté basée sur d’autres valeurs, retrouver le sens du rite et du sacré, représentent sans aucun doute la réponse, la bonne médecine pour guérir de nos maux modernes comme le burn-out !
L’Empreinte de la Célébration
Au cœur de tout rite, il y a la notion de Célébration.
Le rite célèbre, même si parfois l’esthétisme n’est pas recherché ; dans ce cas, la dimension festive est plus importante que le sentiment du beau. Le festif poussé à l’extrême sans le souci de la Beauté et d’une certaine mise en ordre, aboutit souvent à une mise en scène brute, sauvage, où la liesse va pouvoir s’exprimer sans aucune limite !
Je pense par exemple au "Famadihana", ce rite funéraire d’exhumation, à Madagascar, appelé le Retournement des Morts.
Les festivités rassemblent tous les membres des familles dont un défunt va être à l’honneur lors du rituel. Il y a ainsi des centaines de personnes réunies autour des tombeaux, desquels les défunts sont exhumés.
A la sortie de chaque dépouille, les participants expriment leur joie avec exaltation et l’énergie est à son comble.
Il y a de la musique forte, des chants, des danses, et beaucoup d’effervescence, d’autant que l’évènement est largement arrosé.
Les dépouilles sont ensuite promenées par les descendants qui dansent et boivent. Parfois, on peut voir la photo encadrée d’un défunt de son vivant, être hissée au-dessus de la foule en délire.
Les dépouilles enveloppées dans un nouveau linceul, sont ensuite replacées dans leur tombe.
Il n’y a aucune tristesse, chacun est là pour s’amuser. Il faut dire que dans leur vision, l’âme des défunts n’est libérée qu’après la corruption complète du corps et cette cérémonie favorise ce processus d’élévation de l’âme vers le Royaume des Ancêtres. Le groupe accompagne et honore ainsi ses morts.
L’aspect tout à fait spectaculaire du rite n’est donc pas toujours lié à la notion de beauté mais il célèbre toujours et laisse, d’une façon ou d’une autre, une impression sensorielle car tous les sens y sont sollicités.
Dans tous les cas, le rituel marque les esprits.
Cet enracinement que permet le rite, ne se limite pas à une communauté d’individus, mais s’étend bien au-delà. En effet, en partageant une action symbolique avec d’autres personnes, nous offrons au Monde, à la Terre et à tous les Règnes, cette nouvelle conscience.
Nous sommes tous reliés et lorsque l’on fait un rituel, c’est l’ensemble du vivant qui en profite.
De la même façon que ça s’imprègne dans nos cellules, puisque ça va de l’Esprit à la matière, ça s’imprègne aussi dans la terre du lieu où se déroule le rite et comme tout est interconnecté, ça se répand et l’ensemble du Vivant en profite.
Un Rite est toujours une Offrande à la Terre.
Les rituels ont toujours rythmés la vie des sociétés depuis la nuit des temps et partout dans le monde.
Ils ont malheureusement souffert de la modernité et même si certains perdurent, ils sont détournés de leur fonction initiale par le markéting et l’intérêt commercial qu’ils peuvent représenter. Le sacré devient profane. Et c’est une société en entier qui perd le sens du rituel, du magique, du merveilleux, qui se délite, faute de liant qui puisse rassembler les gens autour de valeurs communes. On assiste à une perte de sens et un désenchantement généralisés.
Face à cet état des choses, de plus en plus de personnes aujourd’hui recherchent à nouveau cette assise et ses repères qui représentent les rites.
Le fait de ne plus accompagner les différentes transitions de la vie (puberté, âge adulte, études, travail, parentalité, retraite, ménopause, etc…), conduit à un mal être parce que l’on ne sent plus accompagné par le groupe au moment de ces passages majeurs de l’existence.
Les vivre, les intégrer, les transmuter, devient dans ces conditions, de plus en plus difficile.
Ces différents états internes ne trouvent plus le moyen de s’enraciner dans la réalité extérieure et la reconnaissance des autres.
Les gens globalement ont été déçus et se sont détournés des religions et il est temps que cesse cet amalgame entre rite et religion, afin que l’on puisse remettre le sacré dans le cœur de nos vies, afin de leur redonner le sens qu’elles ont perdu.
A côté des grands rites et des rites collectifs, il existe les rites individuels, magiques, ceux qu’Alexandre Jodorowsky a appelé les actes psychomagiques. Ce sont des actes symboliques que l’on fait avec l’intention de régler des problèmes.
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