JUMPING MOUSE

Écrit par Corine Mystery
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Il était une fois une souris très affairée qui vivait dans le monde des souris...

JUMPING MOUSE,

La Souris qui saute

Il était une fois une souris très affairée qui vivait dans le monde des souris, travaillant chaque jour, fouinant, reniflant, cherchant à droite et à gauche de quoi manger, frottant ses moustaches contre les brins d’herbe des heures durant, avec l’obsession d’accumuler toujours plus, par peur du manque.

En effet, cette souris, appelons la Jérémie, avait comme ses frères souris, une nature plutôt inquiète.

Il lui arrivait de temps en temps d’être agacée par un drôle de bruit, mais elle ne savait pas d’où cela venait. Elle levait la tête, toutes moustaches dehors et se demandait : « Mais quel est ce bruit mystérieux ? d’où vient-il ? ». Mais elle n’avait aucune idée d’où pouvait venir ce son étrange. Intriguée, elle commença une enquête minutieuse parmi ses frères et sœurs souris pour voir si par hasard, eux aussi entendaient ce son.
- Mon frère, dis-moi, entends-tu un son, comme une sorte de bourdonnement dans l’oreille ?
- Non, je n’entends rien du tout et je suis pressé, lui répondit-il, sans même lever la tête du sol.
A un autre :
- Est-ce que tu entends un son, comme un bourdonnement ?
- Pff ! n’importe quoi ! lui répondit celui-ci en la regardant d’un drôle d’air !
Alors, Jérémie se remit à flairer le sol et décida d’oublier tout ça.

Mais le bourdonnement restait là, discret, certes, quasiment imperceptible, mais bien présent !
Mais qu’est-ce que cela pouvait donc être ?

N’en pouvant plus, et de plus en plus curieuse et irritée, notre souris s’éloigna un jour à l’orée du village des souris, bien résolue à trouver d’où venait ce son qui commençait être un peu plus clair pour elle… Elle se haussa sur ses pattes de derrière toutes oreilles dehors, lorsque quelqu’un la salua :

- Bonjour p’tit frère. C’est moi, le raton laveur. Qu’est-ce que tu fais ici, si loin de la société des souris ? C’est rare !
Jérémie se mit à rougir, comme pris par surprise, et se mit par timidité à fouiner le sol.
- Je… je… J’entends un son dans mes oreilles et je veux savoir d’où ça vient.
- Ah ! un son dans tes oreilles ! dit le raton laveur d’un air entendu. Tu veux parler du son de la Rivière.
- La riv… quoi ? la riv…ère ?….
- Non, la ri-vi-ère. Comment, tu ne connais pas la rivière ? Viens, je vais te la montrer !

Jérémie hésita. Après tout, il ne connaissait pas ce raton laveur. Et il n’avait jamais dépassé la limite du village des souris. Son cœur battait la chamade. Mais il était curieux et il voulait en avoir le cœur net. Il suivit donc cet étranger au travers de sentiers complétement inconnus, des odeurs nouvelles, des formes étranges de fleurs qu’il n’avait jamais vues auparavant.

A un moment donné, la panique le saisit et il faillit rebrousser chemin. Mais il se dit :
« Tout le monde se moque de moi. Je vais leur montrer que ce son a une origine, et peut-être que je vais découvrir des noix inconnues qui vont les impressionner. Je vais revenir en héros ! ».

Plus il avançait et plus le grondement dans ses oreilles était fort.

Et soudain… soudain… la rivière ! C’était immense, ça bougeait sans arrêt, il y avait des tourbillons, des ombres, ça hurlait, ça grognait, ça grondait, il voyait des morceaux de bois passer, charriés par la rivière, qui étaient pour Jérémie comme des morceaux de monde ! Jérémie n’avait jamais rien vu de tel ! il se sentait à la fois estomaqué, à la fois révérencieux :
- Oh ! oh ! dit-il… C’est… c’est puissant !
- Oh ! oui, la rivière, c’est très puissant, dit le raton laveur en hochant la tête d’un air grave. Viens, je veux te présenter quelqu’un !

Il lui montra alors un coin calme de la rivière avec en son centre, un nénuphar très vert. Et sur le nénuphar très vert, il y avait une grenouille très verte.

- Bonjour, p’tit frère ! coassa la grenouille. Bienvenue à la rivière !

Le raton laveur en profita pour s’excuser :
- Je te laisse Jérémie, la grenouille va prendre bien soin de toi.

Et il s’en retourna vers son terrier. Jérémie s’approcha de la rivière vers la petite grenouille. Il regarda dans l’eau et vit soudain le reflet d’une souris qui avait l’air terrifié. Ne se reconnaissant pas, il s’adressa à elle :
- Mais qui es-tu ? Et que fais-tu, là, au milieu de la rivière ? Tu n’as pas peur ?
La grenouille, qui était une grenouille sage et ventriloque, voyant ce qui se passait, répondit à la place du miroitement de la souris dans l’eau :
- Non, je n’ai pas peur ! Oh moi, j’habite deux mondes, tu sais, je peux vivre dans la rivière et au-dessus de la rivière. C’est un don que j’ai reçu à ma naissance. Je suis ici tout le temps si tu veux me voir, sauf quand c’est l’hiver. Je suis la gardienne des eaux.
- Epoustouflant ! dit Jérémie qui allait décidément de découverte en découverte !
- Veux-tu une Médecine ? dit brusquement la grenouille.
Recroqueville-toi et descends le plus bas que tu peux, puis saute le plus haut que tu peux et tu auras la Médecine.

Aussitôt dit, aussitôt fait ! Jérémie, suivant scrupuleusement les instructions, plia les pattes et descendit le plus bas qu’il put, prit son élan et sauta le plus haut qu’il put. Et là, dans les airs, pendant quelques secondes, que vit-il ? LES MONTAGNES SACREES ! Il n’en revenait pas ! Puis, il dégringola sur la terre sèche avant de tomber dans l’eau ! Ne sachant pas nager, il revient tant bien que mal sur la rive, frissonnant et en colère !

- Tu as failli me tuer, cria-t-il à la grenouille. Tu m’as trompé !
- Tuttut ! dit-elle. Ne laisse pas la peur et la colère t’aveugler. Qu’as-tu vu pendant que tu étais dans les airs ?
- J’ai vu… j’ai vu les montagnes sacrées.
- Voilà ! Et parce que tu as vu les montagnes sacrées, tu as maintenant un nouveau nom. Tu t’appelleras désormais Jumping Mouse, la sourit qui saute !
- Merci, merci, dit Jumping Mouse plein de reconnaissance. Je dois maintenant retourner vers ma tribu.
- Ce n’est pas compliqué, dit la grenouille. Tu prends ce chemin et plus le son de la rivière devient ténu, plus tu te rapproches du village des souris.

Il partit donc à toute vitesse, car il avait hâte de revoir les siens. Non seulement il existait une rivière sacrée, mais il existait même des montagnes sacrées ; Quelle découverte ! il s’imagina revenir en héros.
Hélas, personne n’était intéressé par ses histoires. Tout le monde le trouvait étrange et délirant ! et en plus, il était tout mouillé ! Il y a une croyance dans le mondes des souris qui veut que lorsque tu es mouillé, c’est qu’un gros animal a essayé de te manger et t’a recraché parce que tu n’étais pas bon !

Ainsi fut il ostracisé !

Et sa vie reprit donc dans le monde des souris, mais le cœur n’y était plus ; Il était seul avec son secret. Il savait, lui, ce qu’il avait vu et ne pourrait jamais l’oublier…

En jour, n’en pouvant plus, hanté par ce qu’il avait autrefois aperçu, Jumping Mouse décida de repartir. Il voulait atteindre les montagnes sacrées. Il se rendit à nouveau à la limite du village et observa la vaste plaine inconnue. Pus de guides cette fois, et des aigles qui volaient haut dans le ciel. Son cœur battait très fort. Il courut et courut jusqu’à atteindre des buissons de sauge, un lieu merveilleux, fait de petits lacs, de brindilles, des cachettes, le tout aménagé avec grand soin. Pendant qu’il reprenait son souffle, il aperçu un noble vieillard souris qui le regardait attentivement des pieds à la tête. Le voici, pensa-t-il, sur le territoire de l’Ancêtre, un paradis mythique qui fait rêver tout bébé souris.
- Sois le bienvenu chez moi, dit l’Ancêtre.
Jumping Mouse était confondu par tant de noblesse et de richesses. « Voilà un très Grand Être », se dit-il.
- Comme c’est merveilleux chez vous, dit-il au noble vieillard. Vous êtes protégé des aigles ici. Ils ne peuvent pas vous voir.
- Non, dit le vieillard, et d’ici moi, je peux voir tous les êtres de la prairie. Je les connais tous par leur nom, même si je ne les connais pas personnellement.
- Fantastique ! dit Jumping Mouse. Et pouvez-vous aussi voir la rivière et les montagnes sacrées ?
- Ah ! la rivière. J’ai entendu dire, oui, qu’elle existait, mais les montagnes sacrées, ça, je peux te le dire : c’est un mythe ! ne perds pas ton temps à les chercher. Reste ave moi. C’est confortable ici. Et puis, du moment que tu t’aventures dans la plaine, les aigles t’attendent pour te manger !

Jumping Mouse hésita, pesant le pour et le contre. « Il ne sait pas de quoi il parle, se dit-il. Moi, les montagnes sacrées, je les ai bel et bien vues ». Il décida finalement de repartir. Il était à terrain complétement découvert et courut de toutes ses forces, jusqu’à ce qu’il arrive à un groupe de buissons. Il commença à explorer, sentant les nouvelles odeurs, découvrant les nouveaux lieux.

Tout à coup, il entendit un son, comme un vent immense, une immense respiration. Il s’approcha et chercha d’où ça venait et soudain, il vit une gigantesque montagne de poils ! Le Grand Être était un Bison. S’accrochant aux poils, il grimpa jusqu’à l’oreille du Grand Être pour se faire entendre. Il lui dit :
- Bonjour, Grand Être, que vous arrive-t-il ?
- Je suis malade et je vais mourir. Je sais que seul un œil de souris peut me guérir. Mais je ne sais même pas ce qu’est une souris.

Jumping Mouse se figea sur place. Il redescendit rapidement de la montagne de poils. Il était dans un immense combat intérieur. Il se disait : « Mon Dieu, il ne sait pas que je suis une souris et que je pourrais le guérir si je lui donnais mon œil. C’est un être tellement extraordinaire ! ». D’un autre point de vue, il se disait qu’il n’avait que deux yeux. « Un de mes yeux, ce n’est pas rien tout de même ! Mais c’est un si Grand Être et moi, je suis si petit ». Il tergiversait, il essayait de s’occuper en se promenant pour penser à autre chose. Il essayait de ne pas entendre son raisonnement intérieur. Soudain, il prit sa décision. Il remonta sur la montagne de poils et dit :
- Cher bison, je suis une souris et je peux vous guérir. Vous êtes un si Grand Être et je suis si minuscule. Vous ne pouvez pas mourir. Prenez l’un de mes yeux.

Aussitôt dit, aussitôt fait, magiquement, l’œil sortit de l’orbite de Jumping Mouse, alla au centre du bison et le bison fut guéri. Plein de gratitude, il lui dit :
- Je suis un guide vers les montagnes sacrées et j’ai entendu parler de ta quête. Je peux te faire faire un bout de chemin. Tu vois les aigles là-haut ? Avec la plaine qui s’en vient, c’est sûr qu’ils vont t’attraper. Je vais courir dans la plaine et tu vas courir en dessous de moi et ainsi tu seras protégé.

Ainsi fut fait ! le bison partit au grand galop, lourdement, Jumping Mouse le suivit, sous son ventre. Quand ils arrivèrent à l’autre groupe de buissons, Jumping Mouse remercia le bison et lui dit :
- J’ai eu très peur. J’avais peur que tu m’écrases.
- Tu n’avais pas à avoir peur, je suis un danseur du soleil et je sais toujours où mes sabots tombent. Si tu as besoin de moi, je serai toujours là pour toi.

Jumping Mouse se retrouva seul de nouveau, avec un seul œil. Il se remit à explorer son nouveau territoire. Il y avait là une abondance de graines, de petites plantes ombragées. C’était un lieu idéal pour une souris. Soudain, au détour d’un bosquet, il se trouva face à face avec un immense et magnifique Loup gris qui était là, assis tranquillement, à ne rien faire.
- Bonjour, frère loup !
C’est comme si le loup se réveillait, ses yeux se mirent à briller.
- Loup, loup, c’est vrai, c’est bien ce que je suis, je suis bien un loup.
Puis, il retomba dans sa torpeur, ne se rappelant plus de rien. Dès que Jumping Mouse lui rappelait qu’il était un loup, il se rappelait qui il était puis il redevenait aussitôt amorphe. « Quel être extraordinaire, se dit Jumping Mouse. Mais il a perdu la mémoire ».

Soudain, une idée jaillit, mais c’était une idée qu’il ne voulait pas regarder en face ! Il essaya de s’occuper, mais l’idée était là, tenace. Il argumenta encore avec lui-même et, dans un élan instinctif, il retourna voir le Loup :
- Frère Loup, dit-il, écoute-moi, je sais ce qui pourrait te guérir. C’est un œil de souris. Je suis une souris et il ne me reste plus qu’un œil. Mai tu es un être si extraordinaire et moi, je suis si petit… voici mon œil !

Aussitôt dit, aussitôt fait ! L’œil sortit de l’orbite de Jumping Mouse et alla au centre du loup et immédiatement le loup redevient entier. Le loup pleura de joie.
- Merci de m’avoir guéri, dit-il. J’air retrouvé ma mémoire, mais toi tu es aveugle. Sache que j’ai entendu parler de ta quête. Mon rôle, c’est d’amener les gens à la montagne sacrée.

Jumping Mouse et le loup partirent ensemble et grimpèrent dans une forêt de pins. Ils arrivèrent au sommet de la montagne, où il y avait un lac, le Lac Médecine. Le loup lui décrivit la beauté du lac, tout ce qu’il voyait : les arbres qui se reflétaient dans l’eau, les nuages…
Puis, le loup lui dit qu’il devait repartir, car il avait d’autres gens à guider.
Jumping Mouse se retrouva donc seul, complètement aveugle, au sommet de la montagne. Tremblant et effrayé, il s’assit, totalement vulnérable. Il commençait à sentir l’ombre des ailes des grands aigles qui planaient au-dessus de lui et qui se rapprochaient. Il entendit le froissement des ailes et il entendit leurs cris. Il voulut se protéger du choc quand l’aigle frappa. Il devint inconscient.

Quand il s’éveilla, il était dans les airs, surpris d’être encore vivant. Il ouvrit les yeux et vit des couleurs, dans un bouillard. Plus il montait, plus il voyait clair.
- Je vois, je vois ! s’écria-t-il

Puis, il entendit une voix :
- Jumping Mouse, veux-tu une Médecine ?
- Oui ! oui !
- Alors, continua la voix, recroqueville-toi le plus possible et saute le plus haut que tu peux !
Jumping Mouse fit exactement ce qui lui était demandé. Il se recroquevilla le plus possible et sauta ! Le vent le saisit et l’emporta beaucoup plus haut. La voix lui cria :
- N’aie pas peur ! accroche-toi au vent et fais confiance !

Il ferma les yeux et s’accrocha au vent qui l’emportait de plus en plus haut. Lorsqu’il ouvrit les yeux de nouveau, sa vision était devenue perçante. Il regarda en bas et vit le Lac Médecine. Qu’y avait-il sur le bleu du Lac Médecine ? Un nénuphar très vert et sur le nénuphar, son amie la grenouille.
- Jumping Mouse, tu as maintenant un nouveau nom, lui cria encore la grenouille. Désormais, tu t’appelleras Aigle !